Maslenitsa : le Mardi Gras russe. Histoire et traditions

Étymologie du nom Maslenitsa

« Maslenntsa » vient du mot « maslo », qui signifie beurre en russe. La semaine avant le carême est la dernière pendant laquelle la consommation de produits laitiers est autorisée aux croyants orthodoxes. Cette semaine est devenue littéralement la « semaine du beurre » .

Dates de Maslenitsa en Russie

À l'époque pré-chrétienne, apparemment, la Maslenitsa était célébrée le jour de l'équinoxe d'hiver, soit entre le 21 et le 23 mars. Plus tard, la fête a été inscrite dans le calendrier chrétien par l'Église orthodoxe et sa date a commencé à dépendre de la date de Pâques. Concrètement, elle se déroule désormais la 8e semaine avant Pâques.

Les dates de Maslenitsa ne sont pas fixes et suivent celles du Carême et de Pâques.
- En 2020, Maslenitsa était célébré du 24 février au 1 mars
- En 2021, la semaine de Maslenitsa s’étend du 8 au 14 mars
- En 2022, la semaine de Maslenitsa s'étend du 28 février au 06 mars
- En 2023, la semaine de Maslenitsa s'étend du 20 au 26 février

Histoire de Maslenitsa en Russie

Maslenitsa est une ancienne fête slave aux racines païennes. On considère que c'est là que le printemps arrive et qu'il est temps de faire les adieux à l'hiver. La semaine de Maslenitsa est suivie du Grand Carême, période de purification spirituelle et de grandes restrictions alimentaires.
 
On dit que le nom de cette fête remonte aux traditions orthodoxes – durant la période de Maslenitsa, la viande est déjà exclue du régime des fidèles, alors que les produits laitiers restent autorisés. Cela donne de grandes tablées de crêpes à la crème fraîche, de baranki et, souvent, de syrniki (voir notre vidéo sur la préparation de syrniki).
 
Les slaves savaient s'amuser, à en juger par l'ampleur des fêtes populaires de la semaine de Maslenitsa. Tout le monde se baladait à cheval, alors que les jeunes couples attelaient des traineaux et participaient aux courses. A cela s'ajoutent les déguisements, les pugilats et les tablées croulant sous les mets. Le rituel de mise à feu de l'épouvantail en paille de l'hiver est la tradition la plus intéressante du dernier jour de Maslenitsa.

La semaine de la Maslenitsa, jour après jour

Il existe une sorte de calendrier de la semaine de la maslenita, mais il n'est pas universel et chaque région de notre immense pays avait ses particularités. En fait, pendant cette semaine étaient célébrés des rites vieux de plusieurs siècles, et on ne sait pas toujours quelle coutume est apparue à quel moment. Mais c'est d'autant plus intéressant. Voici un schéma général de la semaine de la maslenitsa:

Lundi – retrouvailles avec la maslenitsa

Ce jour-là, une effigie de la Maslenitsa était fabriquée. On chantait des chants d'accueil de la Maslenitsa. L'effigie était parfois transportée dans le village et il était possible de « venir à sa rencontre ». On commençait à cuisiner des crêpes – c'est le plat principal de la maslenitsa. 

Mardi est un jour de jeux

C'est une journée de rencontre entre jeunes gens en âge de se marier lors de jeux à l'extérieur. En général, les personnes les plus actives pendant la Maslenitsa étaient les jeunes villageois. C'était le moment d'observer les prétendant-e-s.

Mercredi – Jour des crêpes de belle-mère ou "jour gourmand".

Ce jour-là, la belle-mère (la mère de l'épouse) était censée préparer des crêpes et les donner à son gendre (le mari de la fille). Elle devait démontrer ses compétences et entretenir les bonnes relations avec son beau-fils.

Jeudi - jeux et patinage

C'est une journée dédiée à divers plaisirs hivernaux russes. Par exemple, à des promenades en traîneau à patins traîné par des chevaux. Ou encore à des glissades sur des toboggans de glace.

C'est le jour des combats à poings nus – un plaisir d'homme, qui peut difficilement être qualifié de totalement inoffensif. Mais ces combats ont toujours été organisés avec plaisir.

Ce jour-là étaient aussi interprétés des chants rituels, et divers jeux de tirages au sort.

Vendredi - soirée des belles-mères

C'est l'inverse de la journée du mercredi. Le vendredi, c'est le gendre qui recevait sa belle-mère et sa femme qui préparait des crêpes.

Samedi - réunions des belles-sœurs

Le terme « zolovka » désigne la sœur du mari. Dans la langue russe, le vocabulaire décrivant les relations familiales est extrêmement riche. Le samedi, il était coutume d'accueillir les « zolovki » et leurs familles.

Dimanche - adieu à la maslenista et dimanche du pardon.

C'est le point culminant de toute la semaine.

Selon les prescriptions orthodoxes, c'est le dernier jour où vous pouvez manger des aliments non maigres (c'est pourquoi, ce jour-là, beaucoup se gavaient en prévision du jeûne du Carême). Toutefois, dans la tradition religieuse, c'est surtout le jour où il faut demander pardon à tous ses proches. Ainsi, l'entrée dans le grand Carême se fait dans le bon esprit, purifié des mauvaises pensées, en se concentrant sur la vie spirituelle. Bien sûr, cette notion de pardon a été ajoutée à la fête de la Maslenitsa par l'Eglise Orthodoxe.

Cette journée du dimanche comprend d'autres traditions importantes : une visite au cimetière (pour communiquer avec les morts), et un bain de vapeur (y compris pour les morts, je vais en reparler).

Le point culminant de la journée est le moment où est brûlée l'effigie de la maslenitsa.

Crêpes – principal plat de Maslenitsa

Les crêpes (les blinis en russe) sont le plat central de Maslenitsa. On appelle même cette semaine "la semaine des crêpes". Elles sont servies avec toutes sortes de garnitures, les principales étant la crème fraîche, le miel, la confiture, le lait concentré (depuis l'époque soviétique), ainsi que le poisson, les champignons et le fromage.
Contrairement au stéréotype établi, les crêpes aux œufs de saumon sont un plat relativement récent et celles au caviar d'autant plus. Généralement, les «crêpes au caviar» sont servies avec des œufs de saumon – sachez-le si vous en commandez dans un café ou un restaurant. Le caviar d'esturgeon est moins répandu en raison de son prix élevé.

Le proverbe russe « La première crêpe est toujours grumeleuse » signifie que l'on ne mange jamais la première crêpe, qui n'était pas sensée être réussie. En fait, cette crêpe est symboliquement donnée aux ancêtres (aux morts) et n'est donc pas mangée. En pratique, elle était donnée aux pauvres ou aux mendiants. Mais le sens de la tradition est clair. Aujourd'hui, il est peu probable que quelqu'un se souvienne pourquoi la première crêpe n'est pas sensée être mangée.

Aujourd'hui, c'est peut-être le symbole le plus important de la Maslenitsa en Russie, alors qu'auparavant ce n'était qu'une seule de ses composantes. Ce n'était d'ailleurs pas la principale. La crêpe est un aliment commémoratif russe traditionnel. Puisque la maslenitsa est associée au culte des ancêtres, les crêpes sont progressivement devenues son plat principal. On les mange, on les offre aux parents et amis, on les donne, on les apporte sur les tombes, on les place sur les bords des fenêtres « pour le souvenir des âmes ».

Dans de nombreux textes, une erreur typique à propos des crêpes est de dire qu'elles symbolisent le soleil, que les Slaves étaient tellement avides de retrouver au printemps (la crêpe comme symbole solaire). C'est un non-sens complet et une erreur commune de ceux qui ne connaissent pas la genèse et l'histoire de la maslenitsa. Si vous lisez ou entendez cela, vous pouvez immédiatement identifier cette source d'information comme non digne de confiance. C'est plutôt un conte pour enfants ou pour touristes, qui n'a jamais reçu de confirmation scientifique. Tout ethnographe vous le confirmera. Il n'est évidemment pas interdit à ceux qui le veulent de penser que la crêpe représente symboliquement le soleil. C'est juste que les crêpes sont apparues pendant la maslenitsa pour d'autres raisons.

L'équivalent de Maslenitsa, le Mardi Gras, est célébré en France et en Europe de l’Ouest. Les festivités sont moins impressionnantes qu’en Russie et chaque pays y associe ses propres traditions. L’amour des crêpes est cependant le trait qui les lie à la fête de Maslenitsa russe.

Les principales traditions de la maslenitsa russe

La maslenitsa réunit une variété de rituels slaves. En fait, ici se combinent plusieurs traditions différentes, y compris celle du carnaval européen. Le culte des ancêtres est réactivé pendant la maslenitsa. Les Slaves s'adressaient aux morts pour qu'ils les aident à arriver jusqu'au printemps. Par conséquent, il y avait de nombreux feux de joie, pour réchauffer ceux qui étaient retournés à la terre. Selon de vieilles croyances, les morts influençaient les récoltes, qui étaient également fournies par la terre. Une autre coutume est de faire chauffer les bains de vapeur, ou bania. Les bains étaient chauffés à la fois pour soi et pour les ancêtres. Le bain chauffé restait vide, il était interdit d'y entrer – ce sont les ancêtres qui s'y «chauffaient».

Mise à feu de l'effigie de la Maslenitsa

C'est le moment le plus fort de toute cette semaine festive. Initialement, ce jour-là, c'étaient de vieilles choses et des vêtements qui étaient brûlés. C'était un symbole d'adieu au passé, de transition vers le nouveau. Progressivement, ce rite a été transféré sur une effigie, qui est également fabriquée à partir de choses anciennes.

Une des opinions communes est que ce rituel symbolise une « divinité qui meurt et ressuscite» (on l’appelle aussi « divinité mourante et montante »). Après avoir été brûlée (mort de la divinité), maslenitsa a été dispersée dans les champs et sur la terre, pour renaître plus tard sous la forme d'une moisson (résurrection de la divinité).

Combats à poings nus

Ils se déroulaient souvent groupe contre groupe. Un des aspects de ce jeu rituel était de fouler le sol, de piétiner la neige (après la bataille, la neige est dégagée), de réveiller les ancêtres.

Poteau de la maslenitsa

La tâche est de gravir un poteau de glace, au sommet duquel il y a une récompense. Au départ, à en juger par divers témoignages ethnographiques, c'était pour les hommes un rite de passage à un autre monde.

Déguisement de Maslenitsa

Toute la semaine, des personnes déguisées (riajenye) parcouraient les villages et chantaient des chants rituels («koliadki» en russe). C'est un élément du carnaval dans l'ensemble des rites de Maslenitsa. Le déguisement devait rendre la personne méconnaissable. En fait, en Russie, l'idée était de se déguiser en un ancêtre décédé. Et les propriétaires des maisons que visitaient les riajenye avec leurs chansons devaient les nourrir pour maintenir les relations avec les âmes des défunts.

Syncrétisme: orthodoxie et paganisme durant la Maslenitsa

Au départ, la maslenitsa est, bien sûr, une fête païenne. Les Slaves étaient des païens et ils célébraient la maslenitsa comme un adieu à l'hiver et l'accueil du printemps. Les saisons étaient alors extrêmement importantes. La fête n'était pas un événement formel, comme on l'entend aujourd'hui (disons, un jour de congé). Elle exigeait une action collective, avec une participation active. Si la communauté paysanne n'effectuait pas les rituels et qu'elle n'organisait pas la maslenitsa, elle risquait de s'attirer des malheurs tels que des mauvaises récoltes ou une météo défavorable. C'est pourquoi des chants, des sorts, des actions rituelles étaient exécutés, adressés aux forces de la nature et aux ancêtres décédés. Tout cela mettait le printemps sur la bonne voie. C'est ainsi que la conscience traditionnelle voyait le monde.

L'église chrétienne ne savait pas vraiment quoi faire de cette fête populaire, trop joyeuse. Elle l'a progressivement intégrée à son calendrier, en tant que période de préparation au Carême. Le mot même de «Maslenitsa» est apparu dans le calendrier slave de l'Église au XVe siècle. Les dates de la fête ont changé. Et l'accent a été mis par l'église orthodoxe non plus sur les rituels et la nourriture, mais sur le côté spirituel: le besoin de réconciliation avec les proches à la fin de la semaine de la maslenitsa. Cependant, dans les faits, le peuple a toujours célébré la maslenitsa dans l'esprit d'un carnaval: c'était une semaine de plaisir et de gourmandise. L'église a été forcée de fermer les yeux.

La Maslenitsa en Russie aujourd'hui

Bien sûr, aujourd'hui, personne ne se souvient de la signification rituelle de toutes ces traditions.

Les gens savent juste que vous pouvez manger des crêpes pendant la maslenitsa. Et écouter des chansons folkloriques, danser même en ronde autour de l'effigie de la maslenitsa. Dans les parcs des villes russes, on organise des fêtes, on vend des crêpes.

La principale différence entre l'ancienne fête et sa version moderne est que par le passé, les adultes eux-mêmes participaient: ils chantaient, se battaient, se déguisaient, fabriquaient l'effigie. Aujourd'hui, ces traditions sont réduites au minimum. Les chants sont interprétés par des ensembles professionnels, toute l'action ressemble plus à un spectacle d'artistes sur scène. Et les adultes se sont transformés en spectateurs qui se divertissent et qui dévorent des crêpes.

C'est peut-être la principale différence.

Mais aujourd'hui, en Russie, certains préfèrent célébrer activement la maslenitsa : des festivals et des événements spéciaux sont organisés en-dehors de la ville pour tous les amateurs de tradition.

De nombreux Russes se rendent au cimetière le dimanche du pardon, ayant repris l'habitude des générations antérieures sans la relier en aucun cas à l'ancien culte des ancêtres. Mais ces actions des Russes trahissent la survie inconsciente de cette tradition antique, au cœur d'une semaine très spéciale.

Célébration de Maslenitsa à Moscou et Saint-Pétersbourg 

Tous les ans, des marchés s'installent dans les deux villes à l'occasion de Maslenitsa. Des festivals sont organisés sur la place du Manège à Moscou, où l'on peut déguster des crêpes russes et même essayer d'en préparer soi-même. Des rondes et des dégustations de friandises russes sont également organisées place de la Révolution, boulevard Tverskoï, rue Nikolskaïa et dans d'autres endroits. Pour encore plus d'authenticité, direction le parc Kolomenskoïé. Ici, parmi les demeures anciennes, vous pourrez assister à des pièces de théâtre, faire de la luge et pleinement ressentir l'ampleur de cette fête slave. Chaque année il y a une agenda des évenements à vérifier pour choisir le lieu qui convient le plus. 
 
A Saint-Pétersbourg, les festivités se concentrent sur l'île Elaguine. Vous pourrez assister à la mise à feu d'une éffigie le dernier jour de Maslenitsa. Dans le centre, vous trouverez le festival «Gouliaï, Maslenitsa» rue Malaïa Koniouchennaïa. Les célébrations dans la Forteresse Pierre et Paul se tienennt également chaque année (à vérifier tout de même l'agenda).

Recette de crêpes russes

Si vous n'avez pas la possibilité de vous rendre en Russie pendant la semaine de Maslenitsa, mais que notre présentation vous a tout de même inspiré, essayez-vous à la préparation de crêpes russes ! Chaque famille russe a sa propre recette : malgré la similitude des ingrédients, les nuances font toute la différence. Voici l'une des recettes traditionnelles russes :

• Battre trois œufs avec un fouet.
• Ajouter 3 verres de lait tiède et bien mélanger.
• Ajouter 1/5 de cuillère à café de sel et une cuillère à soupe de sucre et mélanger à nouveau avec un fouet.
• Verser doucement un verre et demi de farine et ajouter une cuillère à soupe d'huile de tournesol. La consistance doit être liquide.
• Choisir une poêle aux bords bas, chauffer et huiler le poêle et commencer à préparer les crêpes.

La fête de Maslenitsa russe en vidéo

Et voici notre vidéo d'une célébration de Maslenitsa à Moscou pour illustrer en partie ce qui est décrit sur cette page. Vous pouvez vous abonner à notre chaîne youtube et retrouver d'autres vidéos sur l'histoire et la culture de la Russie. 

Joyeuse Maslenitsa et bonne fête de printemps !