Moscou français - notre nouvelle vidéo sur youtube
Nous vous présentons la vidéo la plus "française" de notre chaîne YouTube: même si toutes nos vidéos étaient toujours en français cette fois-ci il s'agit en plus d'un sujet très particulier - nous parlons du "Moscou français".
Vous découvrirez les coins les plus français de Moscou, les sites moscovites qui doivent leur existance à la France. Pour ceux qui aiment la lecture - la transcription de la vidéo est ci-dessous. Pour vous abonner à notre chaîne cliquez ici.
Quand on dit que la France est présente partout à Moscou, ce ne sont pas des paroles en l’air ! La France est là, dans l’architecture, dans les habitudes, dans la vie quotidienne. Alors aujourd’hui, pas de vodka, pas de pelmeni, on part à la découverte du Moscou français !
S’il y a bien un Français qui a influencé Moscou, c’est Napoléon en 1812. Je vous rappelle que ses troupes y ont passé un mois ! Il a fait brûler la ville, qui était entièrement construite en bois, et qui a donc dû être presque entièrement reconstruite. Évidemment, je ne peux pas vous montrer de traces de l’incendie, mais c’est certain que la ville a complètement changé de visage après son passage.
L’Anneau des Boulevards, c’est l’un des emprunts les plus évidents que Moscou a fait à la France. Catherine la Grande était une admiratrice de la France et des philosophes des Lumières. Elle a ordonné qu’à la place de l’ancienne enceinte fortifiée, on construise des boulevards, comme dans la France qu’elle aimait tant.
Aujourd’hui, c’est l’endroit idéal pour une balade à pied le long de l’ancienne limite de la ville. C’est là qu’autrefois, le « Beau monde » sortait pour une « promenade » ; et d’ailleurs ces mots existent tels quels en russe, encore aujourd’hui, directement empruntés au français. Moscou est une ville qui change toujours de visage, et elle a énormément évolué au fil du XXe siècle ; mais l’Anneau des Boulevards n’a jamais disparu.
En ce moment, je suis sur le boulevard Tverskoï, un endroit très fréquenté, et depuis cet endroit, on va se diriger vers le quartier qui abritait autrefois la communauté française de Moscou.
Le cœur de cette communauté, c’était l’église Saint-Louis-des-Français. Je suppose que n’importe quel catholique reconnaîtra immédiatement ce bâtiment, qui date des années 1830. Style Empire, avec un portique, des colonnades, un fronton… ce n’est clairement pas une église orthodoxe. Dans les années 1850, un orgue y a été installé, ce qui n’existe pas dans les églises orthodoxes. Et pendant la période soviétique, c’est la seule des trois églises catholiques de Moscou à n’avoir pas été fermée. Le quartier autour est encore aujourd’hui appelé « quartier français », on y trouve le lycée français et plusieurs entreprises et restaurants français. En deux siècles, c’est toujours resté le cœur de la communauté française.
Aujourd’hui, d’ailleurs, l’église célèbre toujours des messes en français.
Et maintenant, c’est le moment de retourner sur les boulevards et de découvrir le plus célèbre des plats français dans la gastronomie russe : la salade Olivier.
Aujourd’hui, ce bâtiment est un théâtre. Mais à l’époque, c’était un grand restaurant, « L’Ermitage », qui appartenait à un Français nommé Lucien Olivier. Selon la légende, c’est ici qu’à été inventée la « Salade Olivier » : c’est comme ça que les Russes appellent le plat que l’on connaît en France sous le nom de « salade russe ». C’est une salade particulièrement copieuse, parfaite pour l’hiver. Sa recette originale était à base de viande de « gélinotte », « riabtchik » en russe, un gibier proche du tétras, de salade verte, de pomme de terre, de câpres et d’olive, liée avec de l’aïoli à la provençale. Le plat a eu un succès fou au XIXe siècle, et sa recette était tenue top secrète par Lucien Olivier.
Mais cette recette, elle a pas mal changé à l’époque soviétique ! C’était une époque de pénuries, il était devenu difficile de trouver de la viande et les légumes, et pour les câpres il ne fallait même pas y penser. Sous l’URSS, c’est donc devenu une salade à base de mayonnaise, la gélinotte a été remplacée par des blancs de poulet ou des morceaux de saucisse, et les carottes et petits pois en conserve se sont invités dans la recette.
Ce qui est amusant, c’est que malgré tous ces changements, la salade Olivier est devenu l’un des incontournables du menu du Nouvel An russe, et encore aujourd’hui, exclusivement dans sa version soviétique. Si Lucien Olivier était revenu pour donner à essayer sa salade à un citoyen soviétique, on lui aurait répondu que c’était tout sauf une salade Olivier ! Je me demande ce qu’un chef cuisinier français dirait de notre version...
Pour découvrir de nouveaux aspects de notre Moscou français, il faut avancer un peu dans le temps, jusqu’à l’époque du Constructivisme. Ce bâtiment incroyable que vous voyez ici, c’est le bâtiment du « Tsentrsoyouz », une administration soviétique, et c’est le seul bâtiment de Moscou à avoir été construit par Le Corbusier en personne. Sans trop rentrer dans les détails, disons que si le constructivisme et le fonctionnalisme était, à l’époque, des écoles architecturales très novatrices, et qui sont largement restées théoriques en Europe, en Russie elles ont complètement dominé la décennie des années 1920. D’ailleurs on pourrait faire une visite entièrement dédiée à cet héritage. Pour l’époque, ce bâtiment, c’est un gigantesque complexe de bureaux, d’un genre encore jamais-vu. Il est entièrement construit en verre et en béton, avec une disposition étudiée pour être parfaitement pratique et rationalisée, des formes simples, pas de décorations extravagantes ; il est placé sur pilotis ce qui fait que l’on peut passer en-dessous à pied : bref, c’est un exemple typique d’architecture avant-gardiste. Et il n’y a pas si longtemps, en 2015, Le Corbusier lui-même est apparu devant lui, sous forme de cette sympathique statue.
Et d’ailleurs, ce n’est pas le seul Français à avoir son monument à Moscou. Je vais vous en montrer un autre.
Voilà une statue de Charles de Gaulle, elle a été installée en 2005 en face de l’hôtel Kosmos, un bâtiment construit pour les Jeux Olympiques de Moscou en 1980. Jacques Chirac et Vladimir Poutine étaient présents pour l’inauguration de la statue. On la doit à un certain Zourab Tsérétéli, le sculpteur favori du maire de Moscou de l’époque, Youri Loujkov. Tsérétéli a offert à Moscou plusieurs œuvres disons… controversées… et il est toujours délicat de parler de ses statues. Pour moi, sans me risquer à en faire une critique, je soulignerai simplement que du haut de ces 18 mètres, cette statue est gigantesque ! C’est comme ça, le Maître n’aime pas les petites œuvres mesquines, et on voit toujours ses statues de très loin.
Et puis, pour beaucoup d’entre nous, cette statue nous rappelle une époque lointaine où, quand on inaugurait un monument à Moscou, on recevait la visite de dirigeants étrangers...
Et c’est le moment d’achever notre visite du Moscou françai, avec une dernière étape un peu paradoxale. Peu de gens le savent, mais ces deux personnages célèbres, l’Ouvrier et la Kolkhozienne, symboles de l’URSS, même s’ils sont bel et bien soviétiques, sont nés grâce à la France : en fait, ils ont été créés pour l’exposition universelle de 1937 à Paris, où ils servaient de décoration au pavillon de l’URSS. C’est la sculptrice Vera Moukhina qui a créé ce chef-d’œuvre… et celui-ci, contrairement à Tsérétéli, personne ne le conteste ! Même si aujourd’hui, je ne suis pas sûr que tous les Russes se souviennent de ce qu’est un « kolkhoze » ou une « kolkhozienne ». Cette sculpture a été construite en URSS, puis expédiée à Paris, et le voyage a pris plusieurs mois. Il en existe une photo d’époque célèbre, juste en face du pavillon de l’Allemagne nazie. On peut dire que ces deux-là font partie des rares citoyens soviétiques à avoir pu voyager de l’autre côté du rideau de fer.
Mais ils ont fini par revenir à Moscou et s’installer ici, près du parc VDNKh. On peut donc dire qu’ici aussi, c’est un peu le « Moscou françai », même si ce n’est que par ces deux touristes
Il y en aurait encore beaucoup à montrer. Il y a tant de traces de la France à Moscou et en Russie, qu’elles ne contiennent pas dans une seule vidéo : on fera sans doute d’autres plus tard, pour continuer le voyage.