Village Sokol (village d'artistes) en vidéo
Voici notre nouvelle vidéo où nous découvrons un des lieux peu connus même par les moscovites - village Sokol.
Un site à découvrir absolument lors de votre voyage à Moscou, avec une histoire passionnante, architecture individuelle de ses 114 maisons. Et un témoins du 20ème siècle où on peut toujours sentire ce "hors de temps".
En dessous de la vidéo la transcription du texte.
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Alors, à votre avis, où est-ce que nous sommes ? C’est difficile à croire, mais nous sommes tout près du centre-ville de Moscou ! Cet endroit s’appelle « Village Sokol », ou « Village des Artistes », et c’est un endroit absolument unique, très insolite pour Moscou, un peu comme si, à Paris, vous tombiez, près de la Gare du Nord, sur des petites maisons avec des potagers. Alors, pourquoi cet endroit existe, et qu’est-ce que l’on y trouve ? Regardons ça ensemble !
Qu’est-ce que c’est que cet endroit village Sokol ?
C’est un « village expérimental » qui date des années 1920. Il est basé sur le concept de « cité-jardin », inventé par un anglais, Ebenezer Howard, et qui était très populaire chez les urbanistes des années 1920. Le nom veut tout dire : au lieu de grandes villes industrielles, l’idée était de créer des petites cités-jardins, qui soient autonomes et autosuffisantes. Sokol est le seul exemple de réalisation de ce concept à Moscou, et le fait qu’il existe est un concours de circonstances étonnant.
En 1921, pour pallier au manque de logements à Moscou, Lénine avait autorisé à construire des coopératives immobilières. C’était une opportunité rare, pour une société socialiste, de créer quelque chose avec son propre argent, et les gens en ont profité. C’est comme ça qu’est né ce village, 114 maisons, toutes différentes, construites par ses habitants qui s’étaient cotisés.
Pas un village habituel
Notez bien que ce n’est pas un village habituel, il a été conçu par certains des plus grands architectes de l’époque : vous aviez Chtchoussev, le créateur du Mausolée de Lénine, les frères Vesnine, des avant-gardistes célèbres, Markovnikov le responsable de la restauration du Kremlin… chaque maison était unique, et le plan du quartier l’était aussi. C’était un terrain d’expérimentations, ses concepteurs jouaient avec les lois de la perception. Par exemple, pour que la rue ait l’air plus longue, elle est inclinée à 45°. La lumière naturelle, la distance entre les maisons… tous les détails étaient mûrement réfléchis selon les dernières théories des urbanistes.
Et qui est-ce qui habitait au village Sokol ?
Eh bien contrairement au nom, certainement pas des artistes ! C’étaient surtout des hauts fonctionnaires, les responsables des plus grandes usines, des chemins de fer… ce n’est qu’après que des représentants de l’intelligentsia ont débarqué. Par exemple, c’est ici que vivait, pendant les répressions staliniennes, le peintre Guerasimov, le portraitiste préféré de Staline.
La suite est un peu mystique...
Catastrophe de 18 mai 1935
En mai 1935, trois avions ont fait un vol de démonstration depuis un aérodrome tout proche. Le premier était l’avion géant « Maxime Gorki », une merveille de technologie pour l’époque, le dernier cri en matière d’aéronautique. Saint-Exupéry, qui avait visité l’URSS peu de temps avant, l’avait essayé, et il était enthousiaste à son sujet.
Ce jour-là, à bord de l’avion, vous aviez l’équipage, et en guise de passagers les familles de ses concepteurs. Et pour souligner ses dimensions gigantesques, deux petits avions, des chasseurs, l’escortaient. On ne saura jamais pourquoi, mais l’un d’entre eux a décidé de faire un looping… et il a heurté le « Maxime Gorki », qui s’est disloqué en plein vol et est tombé sur le village de Sokol. Heureusement, il n’y a pas eu de victimes parmi les habitants, juste quelques maisons endommagées, mais les 49 personnes à bord on été tuées. On peut voir un mémorial en leur honneur au cimetière Novodiévitchi.
En tous cas, c’est à partir de cet accident que la vie du village a basculé. En 1936, les constructions coopératives ont été interdites. Toutes les maisons ont été nationalisées, et la seconde partie du village, qui était pourtant prévue, n’a jamais été construite.
Le village a survécu
Mais malgré tout, il s’est produit un petit miracle : ce village, qui a été peu à peu encerclé par la ville et ses immeubles, a été conservé. Il a été bombardé pendant la guerre, il a été visé par des promoteurs immobiliers qui voulaient y construire des barres d’habitation, mais il a toujours résisté, et il continue de le faire. C’est une sorte de musée à ciel ouvert d’architecture et d’urbanisme, et j’espère qu’un jour il sera reconnu comme tel, pour être protégé par la loi. Chaque maison est unique ici, par exemple celle que l’on surnomme « La tour de garde », ou bien la maison des frères Vesnine, qui reprend le style des maisons de Vologda, une cité médiévale au nord de la Russie.
Et toutes les rues portent les noms de grands peintres russes : Lévitan, Vroubel, Vereschaguine, Polenov… c’est de là que vient le nom du village.
Encore aujourd’hui, les habitants forment une communauté soudée, avec une sorte de « conseil municipal » et un petit musée qui raconte l’histoire de l’endroit.