Nouvelle vidéo: visite virtuelle du métro de Moscou!
Dans notre nouvelle vidéo, nous vous racontons l'histoire de la disparition de Staline du métro de Moscou et ses transformations fantastiques.
Staline pouvait devenir une colombe, un blason, et même Gagarine!
Stations visitées du métro de Moscou dans cette vidéo: Biélorousskaïa, Kievskaïa, Novoslobodskaïa, Dorbyninskaïa.
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Bonjour à tous.
Aujourd’hui, nous allons vous parler du métro moscovite. C’est un thème très vaste : il est possible de descendre une multitude de fois dans le souterrain et de découvrir à chaque fois de nouvelles choses. Lors de nos excursions, nous y passons une ou deux heures.
C’est pourquoi nous allons nous concentrer sur une page méconnue mais très curieuse de son histoire : comment le camarade Joseph Staline, qui a ordonné lui-même la construction de ce métro dans les années 1930, en a soudain disparu. Il faut en cela remercier le camarade Khrouchtchev, qui dans le cadre de la campagne de déstalinisation a ordonné d’extirper toutes les représentations du défunt chef. Nous allons tenter avec vous de reconstituer les événements.
Pour commencer, descendons dans le métro. Comme vous le voyez, les escalators sont très longs. De nombreuses stations sont très profondes.
Alors, que s’est-il dont passé ? Le métro de Moscou était non seulement un moyen de transport, il avait aussi une fonction idéologique. Ses stations étaient des palais souterrains, comme on les appelle parfois. Des palais luxueux pour la population très pauvre du Moscou de l’époque de l’industrialisation du pays. Chaque station avait son message. L’un d’entre eux était, bien sûr, de porter l’image du « père de tous les peuples » et du grand dirigeant – Staline était représenté sur des mosaïques, des sculptures et des bas-reliefs. Le regard du père se ressentait pratiquement partout, comme il se devait de la part du parent soucieux de sp, peuple. C’est justement cela qui s’appelait le « culte de la personnalité » et c’est avec lui qu’a commencé par lutter Khrouchtchev. Je vous rappelle qu’en 1961 le corps de Staline a été sorti du mausolée de Lénine et enterré au pied des murs du Kremlin.
Commençons avec la station Biélorousskaïa. Sur ce panneau au plafond sont représentées des scènes de la Biélorussie socialiste heureuse. Ainsi, des jeunes-filles tissent un tapis avec les armoiries de l’URSS. Attendez ! Elles le tissent de manière étrange. Pourquoi ? Voici la réponse : les armoiries ont été ajoutées. Jusque-là, ici se trouvait un profil connu de tous.
Allons plus loin : dans la station Kievskaïa.
Ici, la tâche était plus compliquée. Il s’agissait de déplacer une mosaïque. Derrière ce Lénine pontifiant, il y a beaucoup d’espace, les bannières sont disposées de manière étrange, le raccord est très visible et réalisé de manière maladroite. Cela ne semble pas très délicat ? Effectivement. Ici aussi l’ancien chef était présent.
Nous voici maintenant à Novoslobodskaïa. C’est l’une des stations les plus belles du métro moscovite. Mais il y a quelque chose qui cloche. Ceci est le tableau central. A qui cette superbe femme soviétique porte l’enfant ? En réalité, dans l’URSS athée, de tels tableaux, contenant une symbolique chrétienne très claire, n’avaient pas disparu. Dieu avait tout simplement été remplacé par vous-savez-qui.
Donc, la femme tend l’enfant vers des colombes de la paix. C’est beau. Mais la réalité historique est autre : bien entendu, elle le présente au dirigeant du pays. Vous le voyez sur cette photo.
Beaucoup d’autres choses peuvent être dites à propos de ce panneau. Une légende raconte que Khrouchtchev n’a pas aimé le fait que la femme ne porte pas de chaussures : il y aurait vu une allusion à la pauvreté des femmes soviétiques. C’est dire le niveau de culture artistique du nouveau dirigeant... L’artiste a dû chausser son personnage de sandales. Mais cela n’a pas sauvé l’œuvre : Khrouchtchev a ordonné de l’enlever. Par bonheur, elle n’a pas été détruite, mais cachée derrière une cloison. Pendant de nombreuses années, il y a donc eu ici un mur. C’est sous Brejnev que le mur a été enlevé, et que Staline a été remplacé par des colombes.
Les métamorphoses de Staline en colombes ou en armoiries ne sont cependant rien en comparaison de cet autre chef-d’œuvre des retouches khrouchtchéviennes. Il se trouve à la station Dobryninskaïa, inaugurée en 1951.
Le premier changement se trouve sous terre. Le thème du cosmos apparaît. Auparavant, il y avait un bas-relief avec Staline, mais en 1967 il a été remplacé par la mosaïque « Le matin de l’ère cosmique ». Une maman et son bébé ont déjà conquis l’espace, ce panneau optimiste et son message de progrès ont remplacé le Guide.
Maintenant, nous pouvons remonter dans le vestibule supérieur de la station. C’est magnifique. On y trouve un triptyque réalisé avec de la mosaïque émaillée. Vous pouvez voir que les trois tableaux sont réalisés avec art : ils imitent le tissu et semblent être trois tapis. A gauche figure une parade militaire sur la Place Rouge. Au milieu, Lénine entouré des armoiries des Républiques. Sans rentrer dans les détails et la finesse de la réalisation, on peut noter ici encore une analogie avec les traditions russes de la représentation du Sauveur : nous revenons ainsi à la question de l’art athée de l’URSS.
Le panneau de droite du triptyque est le plus intéressant. Sur ce panneau de 1951 est figuré un défilé de sportifs. Ils portent avec fierté un portrait de Gagarine, le premier cosmonaute. Stop, stop ! Pourquoi Gagarine a-t-il un casque, alors qu’en 1951 il n’avait que 17 ans et que dix ans allaient encore s’écouler avant son vol ? Eh oui, vous connaissez déjà la réponse. « Le meilleur ami des sportifs » et des travailleurs, bien sûr, n’était pas Gagarine mais Yosif – en français, Joseph. Mais après la déstalinisation de Khrouchtchev, après le vol de Gagarine, le portrait de ce dernier a été « inséré » ici. Cela se voit de par la couleur de la mosaïque. C’est comme un héraut du futur envoyé dans le défilé. Cette métamorphose Staline-Gagarine est sans doute l’une des plus notables de toutes ces transformations.
De fait, il y a eu des dizaines de disparitions de Staline dans le métro de Moscou. Si le chef se dissolvait dans le vide ou qu’il se transformait en Lénine, cela ne changeait pas grand-chose. Pourquoi, me demanderez-vous, tout ceci a-t-il eu lieu ? Pourquoi retravailler, d’une manière parfois si absurde, des matériaux difficiles comme le marbre ou le granit ? Il y a plusieurs réponses à cela.
Disons-le franchement, notre frère Joseph a été victime de ses propres méthodes. Sous son règne, dès que l’un des acteurs soviétiques entrait en défaveur, il était effacé de la vie publique. Avec l’aide des agents de la Loubianka, il était privé de son existence. Un exemple : voici Staline lors de la construction du canal Moscou, avec le dirigeant du NKVD Iejov. Et voici la même photo après que Iejov ait été réprimé.
Cela est dû en partie à des croyances mythologiques des leaders de l’URSS. Il semble qu’ils voyaient un lien entre la représentation de la personne et son existence. Comme si la représentation conservait la force et la puissance de la personne. Imaginons qu’une statue de Joseph Vissarionovitch Staline reprenne vie et nous punisse tous. C’est pourquoi la destruction s’étendait à tout : à la personne elle-même et à tous les objets matériels portant sa mémoire. Le problème de la mémoire en Russie est un autre thème immense, et ceci en est une illustration.
Le métro moscovite est un lieu vraiment étonnant, qui mérite des commentaires architecturaux, des remarques sur les exploits d’ingénierie, sur les artistes, la propagande et l’histoire. On pourrait y passer des semaines. Nous y reviendrons, c’est promis.
A bientôt pour d’autres contenus sur la Russie !
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